Cela fait plus de vingt-cinq ans que je traîne mes oreilles dans les salons feutrés de la Hi-Fi. J’en ai vu passer des colonnes trop fines pour être honnêtes, des enceintes au pedigree plus bavard que leur tweeter, et des marques prometteuses qui finissaient à la casse plus vite qu’un ampli à tubes dans une chambre d’ado.
Alors forcément, quand on m’annonce de nouvelles venues italiennes baptisées Utah 5, je soupire.
Utah ? Un nom de western pour une paire d’enceintes venues du Piémont ? J’imaginais déjà une tentative de marketing à la sauce Bolognèse. Mais non. Chez Indiana Line, ils font dans l'enceinte sérieuse, pas dans le storytelling. Et ça fait du bien.
Du sobre, du carré, du fonctionnel (comme une bonne cafetière italienne)
Pas de chichis visuels ici.
Les Indiana Line Utah 5 sont des enceintes colonne 3 voies, habillées d’un vinyle disponible en chêne clair ou chêne noir. Pas de laque miroir, pas de LEDs, pas de grille aimantée façon trapéziste. Juste des lignes nettes et un gabarit rassurant : 62 cm de haut (64,5 avec les pieds), 32 cm de large, et un poids de 14 kg la pièce — de quoi tenir le pavé sans faire trembler les murs au premier fortissimo de Mahler.
Une fiche technique qui cause aux vieux audiophiles
Côté composants, on sent que le cahier des charges a été pensé par des gens qui écoutent de la musique, pas des fichiers Excel. On y trouve :
- un tweeter à dôme tissu de 26 mm (et non un dôme métallique qui cingle comme un coup de règle sur les doigts),
- un haut-parleur de médium de 5 pouces, en polypropylène logé dans un panier de 150 mm,
- un bon gros woofer de 10 pouces, lui aussi en polypropylène, bien calé dans un panier de 270 mm.
Le tout repose sur une charge bass-reflex avec double évent orienté vers le bas, idéale pour une intégration domestique sans prise de tête.
- Sensibilité ? 94 dB. Autant dire qu’on peut les faire chanter avec un ampli raisonnable, même à tubes (si bien conçu).
- Réponse en fréquence ? 38 Hz – 22 kHz. Suffisant pour couvrir du clavecin à la techno berlinoise sans passer par un caisson.
- Puissance recommandée ? Entre 30 et 160 W.
Rapport qualité/prix : on frôle l’indécence
Et c’est là que les Indiana Line Utah 5 font un petit pas de côté vers la magie : proposées à 700 euros la paire (oui, la paire), elles viennent sérieusement bousculer la hiérarchie d’un marché où certains constructeurs facturent plus que ça pour deux enceintes bibliothèque format boîte à chaussures. À ce tarif-là, on est presque gêné de ne pas leur trouver de défaut rédhibitoire. Et croyez-moi, j’ai cherché.
Disponible sur le site d’Opus 51 (www.opus51.net), cette Italienne tranquille boxe largement au-dessus de sa catégorie. C’est typiquement le genre d’enceinte qu’on recommande les yeux fermés aux copains, aux cousins, aux jeunes mélomanes fauchés… ou à soi-même quand on en a assez des équipements "haut de gamme" qui sonnent comme...
Et ça sonne comment, ce plat de lasagnes électrodynamiques ?
Eh bien… ça sonne juste. Franc. Naturel. Le médium est intelligible, articulé, propre. Et les aigus, enfin, ne vous scalpent pas à chaque coup de cymbale. Les basses sont bien là, présentes mais jamais envahissantes. Les coupures de filtrage à 500 Hz et 2,6 kHz sont bien choisies, et ça s’entend.
Le plus impressionnant ?
Leur capacité à rester cohérentes, quelles que soient les conditions : petites ou grandes pièces, volumes modérés ou soirées un peu plus enlevées. Du jazz ? Parfait. De la pop orchestrale ? Charmant. Du rock ? Tendu comme il faut. De l’électro ? Vous redécouvrez les infrabasses sans faire trembler les vitres.
Le mot de la fin : l’anti-blabla audio
Pas besoin d’un dictionnaire de novlangue audiophile pour parler des Indiana Line Utah 5. Ce sont des enceintes qui ne cherchent pas à impressionner, mais à servir la musique. Point. Et dans un monde où même les câbles veulent vous raconter leur enfance en cuivre cryogénisé, c’est une petite révolution.
À découvrir chez Opus 51, à Reims, en écoute permanente.
Passez, asseyez-vous, demandez à écouter un vieux pressage de Supertramp, un live de Little Feat, ou une réédition soignée de Boz Scaggs. Et si vous me trouvez au comptoir avec un café indien à la main, faites-moi signe.
On pourra parler de cette époque bénie où les pochettes d’album étaient plus grandes que les écrans de nos téléphones, et où la musique avait encore le bon goût d’être chaude, vivante… et en stéréo large comme une banquette de Ford Granada.