dimanche, 05 octobre 2025 10:09

Roksan Attessa : le test

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Roksan Attessa

Dimanche matin. Automne. Le genre de dimanche où le soleil hésite encore, comme s'il négociait avec les dernières traînées de brume d'une nuit qui s'attarde. Dehors, l'humidité s'évapore doucement. Dedans, l'envie d'une session d'écoute – une vraie, pas un de ces zappage compulsifs entre trois playlists – s'impose avec cette évidence têtue qui caractérise les rares moments de grâce audiophile.

Café à la main. Pas n'importe lequel : un indien, de ceux qui déploient en bouche cette cartographie aromatique improbable, entre épices fantômes et notes boisées qui n'existent peut-être que dans mon imagination fatiguée. Le genre de breuvage qui promet le voyage quand on n'ira nulle part, qui murmure des promesses de révélation sensorielle. Exactement le type de placebo dont j'ai besoin avant d'affronter une nouvelle déception potentielle.
Je m'enfonce dans le fauteuil – design, évidemment, parce qu'après tant d'années à traquer le son parfait, autant soigner le décor du naufrage. Position réglementaire : le sommet du fameux triangle d'écoute, cette géométrie sacrée censée révéler la vérité des enceintes. Face à moi, mes Revival Audio Atalante 3 montent la garde. Patientes. Stoïques. Elles en ont vu d'autres. Elles attendent, comme moi, le signal de départ.
Le protagoniste du jour, celui qui va peut-être – enfin, soyons réalistes, probablement pas, mais l'espoir fait vivre – bouleverser ma quête interminable : le Roksan Attessa Streaming Amplifier.
Encore un. Un de plus.
On y va.

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Présentation

Roksan n’est plus à présenter : marque britannique fondée au milieu des années 80, elle a toujours cultivé un certain goût pour l’ingéniosité sans esbroufe, la musicalité sans tapage.
L’Attessa est la porte d’entrée de la gamme actuelle, une série pensée pour ramener la Hi-Fi dans la vie quotidienne, sans sacrifier ni la qualité ni le plaisir tactile.
Ici, la version testée intègre le module BluOS, permettant un accès direct aux principales plateformes de streaming, une gestion multiroom, et une application fluide sur smartphone ou tablette.

Derrière cette simplicité apparente, Roksan signe un appareil mature et cohérent, conçu avec le sérieux britannique qu’on lui connaît.
Le design, sobre et anguleux, respire la rigueur. Le châssis en aluminium affiche une belle densité, la façade épurée se limite à un large encodeur central et un discret afficheur OLED.

C’est élégant, moderne et d’une sobriété qui frôle l’évidence.

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Description technique approfondie

Architecture générale

Le châssis compartimenté sépare clairement les domaines numérique, analogique et puissance, une organisation héritée de la philosophie Roksan : chaque étage a son rôle, son alimentation, et ses chemins de masse dédiés.
La fabrication respire la rigueur : châssis en aluminium brossé, assemblage précis, molette centrale à codeur magnétique et afficheur OLED discret mais lisible.

Étages d’entrée et conversion numérique-analogique

Le traitement numérique repose sur un DAC Burr-Brown PCM5242, puce 24 bits / 192 kHz, réputée pour sa musicalité naturelle et son faible bruit de fond.
La carte BluOS et la section de conversion sont physiquement isolées de la section d’amplification pour limiter les interférences HF.
Les signaux entrants (coaxial, optique, HDMI ARC, Bluetooth aptX HD, réseau BluOS) sont redressés, convertis, puis transmis à l’étage de préamplification analogique.

Côté analogique, on retrouve quatre entrées RCA, dont une entrée phono MM à correction RIAA soignée.
Cette dernière affiche une courbe de réponse précise, un gain d’environ 55 dB et un rapport signal/bruit particulièrement bas pour un étage intégré (mesuré à plus de –100 dB sur la seconde harmonique).
Les étages d’entrée ligne offrent plusieurs sensibilités de gain (Low, Mid, High), ajustables pour optimiser le rapport S/N selon la source.

L’impédance d’entrée se situe autour de 25 kΩ, un choix équilibré qui favorise compatibilité et neutralité.
L’ensemble offre une restitution claire, exempte de coloration, et un respect du signal rarement rencontré dans cette gamme.

Alimentation

L’alimentation est confiée à un transformateur torique de 400 VA, logé sur le côté gauche du châssis.
Ce choix témoigne d’une vraie volonté de stabilité et de réserve de courant, bien supérieure à la moyenne des intégrés “connectés” concurrents.
Les circuits de redressement et de filtrage (ponts de diodes rapides, condensateurs de forte capacité) assurent une tension stable et silencieuse aux différents étages.

Chaque section — préampli, DAC, puissance — bénéficie de régulateurs et de découplages locaux.
Cette architecture limite les remontées de bruit et améliore la tenue dynamique, notamment dans les transitoires rapides.
Le comportement thermique reste sain : l’appareil chauffe modérément, preuve d’une polarisation équilibrée de la classe AB.

Amplification

L’Attessa utilise une topologie en classe AB, fidèle à la tradition Roksan.
Chaque canal est bâti autour d’un push-pull complémentaire à transistors bipolaires (NPN/PNP), monté sur un large dissipateur.
Le courant de repos est calibré pour minimiser la distorsion de croisement, sans sacrifier le rendement.

La puissance est annoncée à 2 × 80 W sous 8 Ω et 2 × 130 W sous 4 Ω, chiffres confirmés par les mesures indépendantes.
L’impédance de sortie très basse (≈ 0,1 Ω) garantit un excellent facteur d’amortissement et un contrôle des enceintes très satisfaisant, même sur des charges complexes.
La bande passante large et linéaire, la distorsion contenue (<0,02 %) et le crosstalk inférieur à –80 dB traduisent une conception saine, sans artifice.

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Description technique

Sous le capot, le Roksan Attessa Streaming Amplifier délivre 2 × 80 watts sous 8 ohms grâce à une amplification en classe AB pilotée par une alimentation linéaire soignée.
La connectique est complète :

- 4 entrées analogiques, dont une phono MM,
- 2 entrées numériques optiques, 1 coaxiale,
- 1 port HDMI ARC pour l’intégration TV,
- et bien sûr, le module BluOS pour le streaming haute résolution (jusqu’à 24 bits / 192 kHz).
- Ajoutons à cela le Bluetooth aptX HD, un DAC performant signé Burr-Brown, et une télécommande aussi fine qu’agréable en main.

Bref, tout ce qu’il faut — sans rien de superflu.

Tarif au 01-10-2025 : 1.000 euros ttc (en option la carte BluOS de streaming : 400 €)
Lien boutique Web : https://www.opus51.net/amplificateur/roksan-attessa.html#/115-finition_electronique-noire/205-options-roksan_blueos

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Conditions de test

L’écoute s’est déroulée dans mon salon d’environ 20 m², sur un meuble Rogoz Audio.

- Sources : Roksan Attessa (en streaming local et Qobuz).
- Enceintes : Revival Audio Atalante 3, Pylon Diamonds 25 MKII
- câbles : Albedo Silver, série Blue.

- Distance d’écoute : environ trois mètres.

Et, je le répète, un excellent café indien pour compléter l’expérience sensorielle.

McKivitt

Just Fabulous - Live in Concert (Live Edition) par Angela Brown
Paru le 01/08/2020 chez Blues Archive
Artistes principaux : Angela Brown
Genre : Blues

Avant de solliciter la moindre note, il me fallait un enregistrement qui vive vraiment – généreux, charnel, avec cette rugosité qui sépare la musique des décalcomanies aseptisées qu'on nous sert trop souvent. Mon choix s'est porté sur Just Fabulous – Live in Concert (Live Edition) d'Angela Brown, publié en 2020 chez Blues Archive.
Un album où la chanteuse de Chicago déploie sa verve sans retenue, naviguant entre swing effronté, gospel incandescent et blues de scène dans ce qu'il a de plus viscéral. Ce live, capté sans artifices ni complaisance, délivre un festival de timbres, de respirations suspendues, d'énergie à l'état brut – exactement ce qu'il faut pour mettre un amplificateur face à ses vérités : saura-t-il restituer la chaleur palpable d'un concert vivant, sans policer ni travestir ?

À l'écoute de cet enregistrement remarquablement capté — salut bas à l'ingénieur du son —, ma première surprise fut de mesurer la dynamique que cet amplificateur, au tarif pourtant raisonnable, parvient à déployer.
C'est bien la première fois qu'un appareil de cette catégorie m'offre des attaques d'une telle franchise : la caisse claire claque avec cette sécheresse brutale, cette immédiateté qui vous ramène instantanément dans la salle.
La scène sonore s'ouvre largement, prend l'air, gagne en amplitude naturelle, et surtout – détail qui compte –, même à des niveaux soutenus (85 à 90 dB mesurés), le discours musical conserve son intégrité. Tout demeure en place, stable, intelligible, porté par une belle cohérence d'ensemble. Le Roksan Attessa ne verse pas dans l'esbroufe démonstrative, il se contente de jouer juste.
Place maintenant au second test, qui nous dira si cette belle impression initiale tient la route.

J Garbarek

Officium Novum par Jan Garbarek
Paru le 17/09/2010 chez ECM Records
Artistes principaux : Jan Garbarek The Hilliard Ensemble
Genre : Classique

Après la moiteur du club et les éclats rauques d'Angela Brown, l'envie d'un autre monde s'est imposée. Un univers aux antipodes, fait de silence habité et de lumière tamisée.
J'ai alors convoqué le magnifique Officium Novum de Jan Garbarek, paru en 2010 chez ECM Records – cette maison qui, depuis des décennies, sait capturer l'espace autant que le son. Une œuvre d'une beauté suspendue, presque irréelle, où le saxophone du musicien norvégien entre en conversation avec les voix de l'Ensemble Hilliard dans une résonance qui évoque les nefs médiévales, ces architectures de pierre où chaque note trouve son éternité.

Le Roksan Attessa s'y révèle tout aussi probant, mais dans un registre radicalement différent : la lisibilité atteint ici une forme d'évidence cristalline, la clarté – pourtant piège fréquent – ne bascule jamais dans cette froideur clinique qui tue l'émotion, et la restitution des timbres touche à un réalisme qu'on espère rarement dans cette catégorie tarifaire.
Chaque souffle de Garbarek, chaque réverbération de la voûte imaginaire, chaque inflexion vocale prend place dans un espace ample, aérien, respecté.
L'amplificateur fait preuve d'une pudeur rare : il laisse la musique se déployer à son rythme, sans l'entraver ni la forcer. Et c'est peut-être là sa plus belle qualité – celle de l'effacement au service de l'essentiel, cette vertu discrète qui consiste à ne rien imposer, simplement servir.

C Aimée

Live at Smalls (Live) par Cyrille Aimée
Paru le 30/09/2010 chez Cellar Live
Artistes principaux : Cyrille Aimée

Changement de décor à présent, cap sur Manhattan. Avec Live at Smalls de Cyrille Aimée, paru en 2010 chez Cellar Live, on plonge dans l'intimité d'un de ces clubs microscopiques du West Village où l'on joue coude à coude, où le public respire au même rythme que les musiciens. Un disque d'une sincérité désarmante, capté sans fard ni retouche, où subsistent les rires étouffés entre deux morceaux, les souffles amplifiés, les coups de cymbales si proches du micro qu'on les sent vibrer dans l'air. La chanteuse franco-dominicaine, entourée d'une poignée de musiciens manifestement habités, livre ici un moment de scène traversé d'énergie brute et de cette complicité spontanée qui ne se fabrique pas en studio.
Sur cet enregistrement volontairement rugueux, le Roksan Attessa poursuit sa démonstration avec la même assurance tranquille : la dynamique demeure constamment vivante, jamais compressée ni domptée, la présence physique des artistes devient presque tangible – on jurerait pouvoir tendre la main et toucher le bois de la contrebasse. Le tempo respire naturellement, la contrebasse pulse avec cette rondeur charnue qui fait la différence entre un enregistrement et une performance, les voix se détachent dans un halo d'air parfaitement préservé, comme suspendues dans l'espace du club reconstitué. Rien ne s'affaisse, rien ne s'étiole : à chaque attaque franche, à chaque accent syncopé, l'amplificateur maintient le cap avec une constance rassurante, comme s'il suivait la partition du regard, sans jamais accuser la moindre lassitude. Cette endurance n'est pas anecdotique – elle signe souvent la différence entre un appareil honnête et un véritable compagnon d'écoute.

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Conclusion  

Bien que cet amplificateur meuble les étégères de Opus 51 depuis décembre 2021, j'ai l'intime conviction, sans pouvoir l'étayer par la moindre preuve tangible, que la version 2025 qui a échoué entre mes mains diffère substantiellement des premières unités commercialisées. Roksan aurait-il, dans le plus grand secret, procédé à quelques ajustements discrets ? Retouché sa partition en coulisses ? L'hypothèse me semble plus que plausible. Car voyez-vous, lors de ma première confrontation avec le Roksan Attessa, à l'époque de son lancement, j'en étais ressorti avec une impression pour le moins tiède : l'appareil m'avait semblé un peu mou du genou, hésitant, dépourvu de cette étincelle qui transforme un équipement honnête en compagnon musical. Bref, sans grand intérêt.

Aujourd'hui, c'est une tout autre histoire qui s'écrit : vivacité, cohérence organique, musicalité véritable – tout ce vocabulaire qu'on emploie à tort et à travers mais qui, ici, trouve enfin sa justification. Quelque chose a manifestement évolué dans les entrailles de la bête – composants sélectionnés avec plus de soin ? Calibrage affiné ? Firmware réécrit de fond en comble ? Le mystère demeure entier, Roksan restant muet comme une carpe sur le sujet. Mais le résultat, lui, est indéniable, presque troublant dans son évidence.

Dans sa catégorie tarifaire – cette zone médiane où se jouent tant de compromis –, l'amplificateure Roksan Attessa Streaming s'impose désormais parmi les références les plus abouties.

Son rapport qualité/prix pulvérise la concurrence avec une aisance presque insolente, et son équilibre général en fait le partenaire idéal d'une palette remarquablement large d'enceintes. Il se montrera parfaitement à l'aise face à toute enceinte sérieusement conçue jusqu'à 4000, voire 5000 euros la paire – j'entends par là : des modèles pensés pour la restitution musicale, pas ces sculptures acoustiques au marketing ronflant qui privilégient l'apparence sur la substance.

Le Roksan Attessa ne cherche nullement à séduire par l'esbroufe ou la surenchère technique. Sa stratégie est plus subtile, plus noble aussi : il vise la justesse, cette qualité insaisissable qui fait qu'un système sonne juste, tout simplement. C'est un amplificateur intelligent, solidement architecturé, profondément musical dans son ADN, qui redonne foi – oui, j'ose le mot – dans ce savoir-faire britannique qu'on croyait perdu sous des tonnes de mediums bien trop baveux.

Et en ces temps troublés où la Hi-Fi se rêve connectée, intelligente, compatible avec tout et n'importe quoi, mais oublie trop souvent son unique raison d'être – la musique, bon sang –, cet  amplificateur rappelle avec une modestie presque désuète une vérité élémentaire : le véritable plaisir d'écoute, lui, ne connaît ni mode ni obsolescence programmée. Il traverse les époques, indifférent aux tendances. Et c'est peut-être la plus belle promesse qu'un appareil audio puisse tenir.

 

Les Notes  :
   Fabrication : 16/20
   Image : 15/20
   Timbres : 15/20
   Dynamique : 16/20
   Transparence : 15/20
   Naturel : 16/20 
   Qualité/Prix : 20/20
 

 Les propos et les avis énoncés dans ce test n'engagent que l'auteur de ce test et en rien la société Opus 51. Les avis donnés ne concernent que le produit testé.

 

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