Dynaudio : la success-story danoise
Dynaudio naît en 1977 dans la bourgade (humide) de Skanderborg, parce que son fondateur, l’ingénieur Wilfried Ehrenholz, trouvait que les haut-parleurs « tout faits » sonnaient comme du café tiède. Il décide donc de tout concevoir maison : membranes MSP, dômes en soie, moteurs… rien ne sortira de l’usine sans passer par ses gants de chirurgien audiophile. Quarante-huit ans plus tard, la marque fabrique toujours ses propres drivers et garde la manie de tout mesurer douze fois avant d’apposer le logo.
Dans les années 1990, les Danois se disent qu’il y a de la place pour « mettre du hi-fi dans de la tôle ». Résultat : premier système embarqué pour la Volvo C70 en 1997, puis partenariat XXL avec Volkswagen dès 2001 (toujours visible dans le Touareg pour les retardataires). Quand votre collègue de bureau vous bassine avec « ma Golf sonne mieux que ton salon », vous savez maintenant qui blâmer.
Côté labo, Dynaudio a troqué l’ancienne chambre anéchoïque contre Jupiter, un cube de 13 m équipé d’un bras robotisé à 31 microphones – autant dire un T-Rex pour enceintes. Grâce à ce jouet à quelques millions d’euros, les ingénieurs compressent trois jours de mesures en trente minutes et trouvent encore le moyen de râler qu’ils « manquent de temps ».
En 2014, le chinois Goertek rachète la majorité des parts. Les puristes crient au pillage culturel ; en pratique, ils obtiennent un nouveau centre R&D de 1 600 m² (50 ingénieurs, deux salles d’écoute, un garage pour bidouiller les systèmes Volkswagen) et des budgets qui font pâlir le ministère danois des Finances.
Moralité : vendre son âme n’empêche pas de mesurer à la dixième de décibel près.
Pendant ce temps-là, la gamme gonfle : Contour, Confidence, Evoke, puis la branche pro Core 59 qui terrorise les studios avec sa neutralité clinique ; plus récemment, les Focus sans fil (2024) qui promettent le nirvana audiophile depuis votre canapé connecté. Bref : si un marché existe, Dynaudio y colle une enceinte acoustique et un vernis miroir.
(Et c’est donc cette fine équipe de perfectionnistes mi-vikings, mi-actionnaires chinois qui nous sert aujourd’hui la Special Forty, objet de notre réjouissante autopsie.)
Special Forty : la fiche signalétique
Type | 2 voies bass-reflex, évent arrière |
HP | Tweeter Esotar Forty 28 mm / Woofer MSP 17 cm |
Réponse | 41 Hz – 23 kHz (±3 dB) |
Sensibilité | 86 dB (2,83 V/1 m) |
Impédance | 6 Ω |
Dimensions | 360 × 198 × 307 mm |
Poids | 8,1 kg pièce |
Finitions 2025 | Black Vine (ébène fluo) ou Ebony Wave (zébrage sushi-bar) |
Qualité de fabrication : du granit recouvert de laque (ou presque)
Ici, Dynaudio sort le grand jeu :
Caisson MDF tapissé recto-verso de placage bois (même l’intérieur est plaqué) pour éviter que ça gondole – c’est chic, c’est rigide, et ça fait plaisir au menuisier qui sommeille en nous.
Placage multi-couches “Birch haute-couture” : des centaines de fines lamelles collées puis tranchées façon mille-feuille avant de recevoir une épaisseur de vernis aussi épaisse que la brochure marketing. Résultat : un miroir sur lequel on pourrait raser un hamster.
Assemblage Danemark : vissé, collé, inspecté – tout est net, les champs sont affleurants, les arrêtes biseautées, et la paire de borniers bannière “single-wire only” brille comme si elle s’apprêtait à défiler au MET Gala.
Bref : c’est solide comme un hache danoise… vendu à un certain prix parce que “édition anniversaire”.
Installation : hygge*-distance obligatoire
Évitez de coller l’évent au mur : à moins de 50 cm d’air, le bas-médium gonfle comme un pull après lavage. Sur pieds (Rogoz + sable pour ma part) et un léger toe-in, la scène s’ouvre – mais le fameux “voile” reste en option standard.
(* Le terme danois hygge (prononcé "hoo-gah") désigne un concept culturel central au Danemark, difficile à traduire précisément en français, mais qui peut se rapprocher de la notion de confort chaleureux, convivialité et bien-être)
À l’écoute : ces dames et leur petite vérité (classique, jazz et pop en guise de crash-test)
(Rappel : n’espérez pas un juge d’instruction sonore, mais plutôt une chroniqueuse mondaine qui retouche les photos avant publication.)
Classique : un orchestre en soie… mais sans épingles
Œuvre | Pressage | |
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Beethoven – Symphonie n° 7 (II, Allegretto) – Kleiber/Vienne (DG, 24/96) | Le tapis orchestral se déroule ample et moelleux ; les cordes chantent dans un bain d’huile de lin. L’assise rythmique, elle, perd la tension dramatique : les pizz’ de contrebasses ressemblent à des tapotements polis. | |
Debussy – La Mer – Haitink/Concertgebouw (Philips, CD 1989) | Les timbres pastel flattent les vents, la scène est panoramique… mais les éclats de cuivres abordent la tempête en mocassins. Au fortissimo, la vague mousse plus qu’elle ne casse. | |
Bach – Goldberg Variations (Labèque, 2023, 24/192) | Beau legato nacré, graves superbes du Steinway – toutefois l’attaque des marteaux manque de morsure. Vous obtenez une version “piano droit sous velours” : charmante, pas vraiment véridique. |
Verdict classique : les Dynaudio préfèrent peindre l’orchestre à l’aquarelle qu’à l’encre de Chine. Superbe pour la contemplation, moins pour l’autopsie analytique.
Jazz : lounge en chaussettes ou bebop sous valium ?
Morceau | Format | |
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Miles Davis – “So What” (Kind of Blue, 1959, 2021 24/192) | Contrebasse ronde à souhait, trompette satinée ; par contre, les balais de batterie manquent de grains et l’air entre les pupitres se densifie comme une salle enfumée. | |
Bill Evans Trio – “Waltz for Debby” (1961, SACD) | Piano caressant, cymbales en voile de mousseline ; l’attaque perd ses éclats de mica. Apaisant, mais la pulsation swing se fait gentlemen’s club plutôt que smoggy basement. | |
GoGo Penguin – “Atomised” (2020, 24/96) | Le groove répétitif ressort agréablement rond, mais la clarté percussive du batteur est polie au point d’arrondir les angles math-jazz. |
Verdict jazz : ambiance “soirée cocktail où le shaker est remplacé par un fouet en silicone” – on savoure la rondeur, on recherche encore le kick dans le sternum
Pop & électro : enfin le terrain de jeu des demoiselles
Titre | Année / Support | |
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Dua Lipa – “Houdini” (2024, streaming lossless) | La ligne de basse funky est gourmande, la voix ressort pulpeuse et centrée, les synthés planent sans agressivité – c’est exactement le filtre Instagram que la prod’ applique déjà. | |
Taylor Swift – “Cruel Summer” (Lover, 2019) | Les guitares crunch deviennent velours, les voix multiples se mélangent comme une glace stracciatella fondue : flatteur, jamais criard, parfait pour un marathon Swifties. | |
Daft Punk – “Lose Yourself to Dance” (2013, 24/88.2) | Le groove mid-tempo se love dans le bas-médium, les claps claquent assez pour bouger la tête, et la petite brume haute fréquence donne un aspect “vinyle lavé”. Combinaison gagnante. | |
Billie Eilish – “What Was I Made For?” (2023, 24/96) | Chuchotements XXL, grave léger mais propre, reverb soyeuse : la Special Forty joue la confidente qui passe votre playlist en lumière tamisée – mission accomplie. |
Verdict pop-rock : miracle ! Les productions compressées et déjà “maquillées” trouvent dans la Dynaudio une coloriste complice ; le voile devient effet de style, la rondeur donne de la chair, et personne ne pleure la perte de véracité.
Moralité : si vous jurez par la haute fidélité, passez votre chemin ; si vous voulez un filtre beauté 4K sur vos playlists pop, installez ces Special Forty, servez-vous un Spritz, et laissez-les réécrire l’histoire.
Épilogue : élégies pour deux boîtes en vernis miroir
Il est des enceintes qui s’imposent comme des porte-paroles de la vérité absolue : franches, impitoyables, aussi délicates qu’un verdict de cour d’assises. Les Dynaudio Special Forty, elles, préfèrent clairement réciter leur propre poème, enjoliver la rime et replacer une virgule là où bon leur semble.
D’un côté, difficile de ne pas applaudir :
La robe – un placage mille-feuilles si lisse qu’on pourrait y étaler du fond de teint.
La construction – dense, méticuleuse, visuellement irréprochable ; pas une arête qui bâille, pas un joint qui proteste.
Les timbres – tout en crème et velouté, un médium qui cajole jusqu’à l’extinction des bougies.
Le confort d’écoute – trois heures de playlist sans une once de fatigue : parfait pour les mélomanes insomniaques et les voisins conciliants.
Mais la médaille brille d’une seule face ; retournez-la et vous trouverez :
Un voile obstiné qui s’interpose entre la musique et la rétine de vos oreilles : le détail s’arrondit, la dynamique bâille poliment.
Une transparence relative – les Special Forty maquillent la partition comme un retoucheur retape une couverture de magazine : plus flatteur, moins authentique.
Un prix anniversaire qui ressemble beaucoup à un cadeau… qu’on se fait à soi-même.
Le syndrome “pop first” : classique et jazz tolérés, pop / électro flattées, rock nerveux gentiment asthmatique.
Alors, faut-il céder ?
Si votre graal sonore est un salon feutré où les voix s’étirent comme du caramel blond et où les cymbales se parent d’un filtre sépia, dites : “Jeg elsker dig, Dynaudio” et signez le chèque. Vous posséderez deux splendides acteurs shakespearien, toujours prêts à déclamer la version romancée du texte original.
En revanche, si vous vivez pour le frisson de la première attaque de caisse claire, si vous aimez voir les pizzicati claquer comme des flashs de paparazzi et sentir la contrebasse labourer le diaphragme : tournez-vous vers d’autres latitudes, moins polies, plus cash. Ces Special Forty risqueraient de transformer votre pogo intérieur en lent slow de fin de bal.
Car en fin de compte, Dynaudio signe ici une sorte de miroir flatteur : il renvoie un son plus beau que nature, mais il reste un miroir – et les miroirs, chacun le sait, se contentent de refléter ce qu’on veut bien y voir. À vous de décider si cette jolie illusion vaut, ou non, le prix du billet.
Lu dans la Presse
« Bold, dynamic and detailed … avec un grave étonnamment charpenté et une agilité réjouissante » — What Hi-Fi?, 5 étoiles et un Award 2019, même si la rédac concède que, visuellement, « on pourrait passer à côté ».
« Imagerie stéréo à tomber et hautes fréquences sans grain ; dommage que les panneaux du coffret résonnent un brin et épaississent le médium » — Stereophile, John Atkinson, qui finit quand même par danser sur Whole Lotta Love.
« Construction exemplaire, vernis haute-couture ; toutefois le bas du spectre peut sonner thuddy tant qu’on n’a pas trouvé la bonne place (et 20 heures de rodage) » — SoundStage! Hi-Fi, Doug Schneider, après confession de chipotage acoustique dans son salon XXL.
« Mesures flatteuses côté distorsion, mais sensibilité de 86 dB et résonances de coffret peu glorieuses : prévoyez des watts… et un mur porteur » — Audio Science Review & co., section « WTF » pour amateurs d’impédance torturée.
En résumé : la presse s’extasie sur la robe et la scène sonore, siffle doucement sur la transparence, mais conclut presque toujours par le même refrain : « Spéciales, oui… parfaites, non. »)
Lien vers notre boutique : Dynaudio 40th anniversary
Les Notes :
Fabrication : 17/20
Image : 16/20
Timbres : 13/20
Dynamique : 14/20
Transparence : 14/20
Qualité/Prix : 15/20
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