dimanche, 17 août 2025 11:19

Elsa Grether : Granada (2025)

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Elsa Grether - Granada

Un dimanche matin de mi-août, et quel plaisir !

Oeuvres : Sarasate, De Falla, Turina, Rodrigo, Granados
Interprétes : Elsa Grether : violon, Ferenc Vizi : piano
Format : CD et HiRes (Aparte 2025)
Genre : Classique Chambre
Note technique : 8/10
Qobuz : https://open.qobuz.com/album/qd1jjgh4aiydc

 Un dimanche matin de mi-août, et quel plaisir !

Nous sommes un dimanche matin à la mi-août, dans cette heure dorée où le temps semble avoir oublié sa course. Après ces jours de fournaise où la terre elle-même paraissait haleter sous l'étreinte du soleil, l'air est enfin revenu à une fraîcheur bienvenue, presque caressante, comme un baume déposé sur la peau brûlée de l'été. Une brise timide s'aventure par la fenêtre entrouverte, portant avec elle les parfums mêlés du jardin endormi et la promesse d'une journée apaisée.

C'est dans ce moment suspendu, où même les oiseaux semblent retenir leur souffle, que je glisse le disque dans ma platine avec la délicatesse d'un rituel secret. Mes doigts effleurent la pochette : Granada — le dernier enregistrement de la violoniste Elsa Grether, accompagnée de Ferenc Vizi au piano — promesse d'un élan musical rafraîchissant, comme une source découverte au détour d'un sentier de montagne.

Dès les premières mesures, le monde entier se suspend dans un silence révérencieux. Le violon d'Elsa n'a rien d'un simple instrument de bois et de cordes : c'est une voix ardente qui s'élève, tantôt flamboyante comme les brasiers de l'Andalousie, tantôt caressante comme les murmures d'un amant sous les orangers de Séville. Cette voix chante avec une intensité rare, celle qui vous saisit aux entrailles et refuse de vous lâcher. Dans ce répertoire espagnol choisi avec l'instinct sûr de l'artiste accomplie, on sent une liberté solaire, une ardeur contenue qui menace à chaque instant de déborder, une expressivité toujours juste qui ne tombe jamais dans l'artifice ou la complaisance.

Chaque phrasé semble guidé non par la seule virtuosité — pourtant éclatante et maîtrisée jusqu'à l'éblouissement — mais par une vérité intérieure, cette alchimie mystérieuse qui transforme les notes en émotions pures, celle qui donne à la musique son pouvoir immédiat de nous transporter au-delà de nous-mêmes. L'archet danse, virevolte, caresse et incise, dessinant dans l'air des arabesques invisibles qui semblent suspendre les lois de la pesanteur.

Le programme déploie devant nous un voyage enivrant : Turina avec ses élégances andalouses, Rodrigo et ses nostalgies teintées de bleu, Falla et ses danses de feu, Granados murmurant ses tendres mélancolies, Sarasate déployant ses virtuosités éblouissantes, Montsalvatge peignant ses impressions catalanes... Autant de paysages musicaux traversés comme on parcourt une Espagne rêvée, celle des poètes et des peintres, où chaque pierre raconte une histoire et chaque ombre cache un secret.

Les rythmes y palpitent comme le sang dans les veines d'un danseur de flamenco, les couleurs flambent avec l'intensité des couchers de soleil sur la sierra, et chaque pièce trouve naturellement sa place dans cette mosaïque lumineuse, comme les tesselles d'une fresque byzantine retrouvent leur éclat sous la main de l'artisan.

Et soudain, tandis que résonnent les dernières mesures du Carmen dans l'interprétation d'Elsa Grether, une vague de souvenirs déferle sur moi avec la force d'une marée inattendue. Quarante années se dissolvent d'un coup, comme ces mirages qui tremblent sur l'asphalte brûlant. J'ai à nouveau vingt ans, et je roule sur les routes poussiéreuses d'Andalousie dans une vieille Renault dont le moteur peine sous la canicule. Dans l'autoradio grésillant, c'est la trompette de Miles Davis qui chante leConcerto d'Aranjuez, cette version jazz légendaire qui avait alors bouleversé ma vision de la musique.

Je revois les oliviers argentés qui ondulent à perte de vue, les villages blancs accrochés aux collines comme des nids d'hirondelles, et cette lumière crue, impitoyable, qui transformait chaque paysage en tableau de maître. La trompette de Miles, avec sa sonorité veloutée et mélancolique, semblait dialoguer avec cette terre ocre, raconter ses secrets millénaires, ses passions et ses douleurs. Chaque note s'élevait dans l'habitacle surchauffé comme une confidence murmurée, et déjà, sans que je le comprenne vraiment, quelque chose en moi basculait définitivement.

Aujourd'hui, quarante ans plus tard, en ce dimanche matin apaisé, le violon d'Elsa Grether réveille en moi les mêmes émotions profondes, cette même soif d'absolu que j'avais ressentie alors. Ce n'est pas la mélodie qui se répète — l'une était jazz, l'autre classique, l'une trompette, l'autre violon — c'est quelque chose de plus profond, de plus essentiel : cette façon qu'a la musique de toucher directement l'âme, par-delà les styles et les instruments. Une similarité mystérieuse, un écho intérieur qui fait vibrer les mêmes cordes sensibles, comme si mon cœur reconnaissait une vérité familière sous des habits différents.

En ce dimanche matin béni des dieux, tandis que la fraîcheur caresse encore ma peau et que les derniers échos de Granada s'éteignent doucement dans le silence retrouvé, je mesure la grâce de ces instants volés au temps, où la beauté pure s'offre sans fard ni artifice. Et je comprends cette vérité simple et bouleversante : la musique, quand elle atteint de tels sommets, n'est rien d'autre qu'une prière muette adressée à l'éternité, un pont jeté entre nos différents âges, reliant à jamais l'émotion première à sa renaissance perpétuelle.

 A7 2945Grether GranadaTurina, la fresque andalouse

Parmi les œuvres, l’El Poema de una Sanluqueña de Joaquín Turina mérite une halte particulière. Cette fresque en quatre mouvements évoque la mémoire et la poésie d’une Andalousie sublimée. Turina, grand coloriste, alterne ferveur populaire et délicatesse intimiste, esquissant tour à tour des danses vibrantes et des méditations suspendues.
Dans l’interprétation d’Elsa Grether et Ferenc Vizi, chaque contraste devient limpide : la plainte mélancolique du violon, les éclats lumineux du piano, et cette atmosphère presque théâtrale qui habite l’ensemble.
Une œuvre dense, exigeante, mais rendue ici avec une évidence et une fluidité saisissantes.

Sarasate, l’art du feu d’artifice

À l’autre extrémité du programme, le Carmen Fantasy de Pablo de Sarasate fait figure de bouquet final. Tout y est : la virtuosité échevelée, la séduction mélodique, la flamboyance dramatique. Sarasate se réapproprie Bizet avec une insolence technique qui frôle le défi, et Elsa Grether relève ce pari avec une aisance bluffante. Là où d’autres cèdent au clinquant, elle maintient une ligne élégante, toujours chantante, sans jamais sacrifier l’émotion à la démonstration. Le piano de Ferenc Vizi, loin de se contenter d’accompagner, ajoute de la densité et du panache.
Résultat : un feu d’artifice irrésistible, brillant mais jamais tapageur.

Échos de la presse et du Web

- Sound In Review loue les “legato lines… recall the vocal inflections of Andalusian cante jondo”, un jeu qui respire comme le chant flamenco.

- Chalked Up Reviews salue la modernité et l’immédiateté de ces lectures, ainsi qu’une prise de son chaleureuse et naturelle.

- BBC Music Magazine attribue 4 étoiles au disque et le qualifie de “subtle, thoughtful, exuberant”.

- Qobuz / On-Mag.fr évoque “la sensibilité sans limite” d’Elsa Grether et “l’accompagnement mordant” de Ferenc Vizi, capables de transporter l’auditeur “dans une Espagne intemporelle”.

Enfin, l’album a été présenté dans Les Essentiels de France Musique (16 avril 2025), confirmant sa résonance médiatique.

Conclusion — ce dimanche en musique

En ce dimanche d’août encore frais, Granada n’est pas seulement un disque : c’est un rayon de soleil filtrant dans une matinée tranquille. Une écoute exaltante, saluée par la presse pour sa sensibilité, son élégance et son inventivité. Une réussite éclatante — et l’un des compagnons d’écoute les plus précieux de l’été.

 

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