Présentation de la marque et de l' Equilibre 10
EQaudio est une jeune maison française, née de l’envie d’apporter une alternative aux grands noms du marché en proposant des enceintes réalisées à échelle humaine. Pas de chaînes de montage impersonnelles, mais un savoir-faire artisanal, où chaque paire sort de l’atelier avec le soin du détail qu’on associe plus volontiers à la lutherie qu’à l’électronique.
Le modèle Équilibre 10 incarne parfaitement cette philosophie. C’est une enceinte au format généreux, plus trapue que filiforme, qui assume son volume sans chercher à le dissimuler. Son allure robuste, renforcée par le large haut-parleur et le pavillon en hêtre massif posé en surplomb, évoque autant une pièce de lutherie qu’un objet sculptural. Pas de fioritures, pas de séduction facile : l’Équilibre 10 s’impose par sa présence naturelle et par la cohérence de ses choix techniques. Plus qu’une enceinte conçue pour impressionner en quelques minutes d’écoute, elle s’adresse à l’audiophile prêt à bâtir une relation durable avec la musique, sur le terrain de la justesse et de la vérité sonore.
Caractéristiques techniques & design
Face à l’Équilibre 10, impossible de rester indifférent. L’enceinte dégage une présence singulière, presque sculpturale, qui tranche avec l’uniformité de la production industrielle. Le coffret ne cache rien de sa nature : les veinures et les nuances du bois se révèlent sans artifice, témoignant d’un travail artisanal qui assume sa sincérité. On pourrait presque parler d’une pièce de mobilier unique, façonnée plus qu’usiné, pensée autant comme un objet de musique que comme un objet de vie.
Ce coffret est d’ailleurs tout sauf décoratif. Il est constitué de dix-sept couches de bois de densités différentes, une architecture étonnante qui répond à une logique acoustique précise. Chaque essence, chaque densité réagit différemment aux vibrations. En les superposant, le constructeur parvient à dissiper les résonances, à briser leur propagation. Le résultat est un coffret à la fois rigide et amorti, capable de rester muet face aux assauts du grave comme aux subtilités du médium. Là où tant d’enceintes laissent filtrer des colorations indésirables, l’Équilibre 10 choisit le silence, pour que seul l’instrument s’exprime.
Sur cette base inerte, EQaudio a choisi une configuration d’une belle cohérence : un large haut-parleur de 25 cm à membrane papier pour le registre grave-médium, chargé par un évent frontal, et un moteur à compression d’un pouce à membrane phénolique, confié à un pavillon exponentiel sculpté en hêtre massif. Ce pavillon, posé en surplomb, attire immédiatement l’œil. Il évoque autant l’instrument de luthier que l’objet design, et assume une vocation : conjuguer rendement, naturel et rapidité.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une bande passante de 35 Hz à 20 kHz dans la tolérance de ±3 dB, un rendement élevé de 93 dB, et une puissance admissible de 300 W qui autorise toutes les audaces, des écoutes intimistes aux envolées orchestrales dans une grande pièce.
Avec ses 100 cm de haut, 34 cm de large et 48 cm de profondeur, pour un poids de 25 kg l’unité, l’enceinte s’impose sans excès, bien campée sur un solide piètement métallique qui l’ancre au sol tout en lui donnant une assise visuelle.
La connectique suit la même logique d’exigence : des borniers argent acceptant le monocâblage, le bicâblage passif ou la bi-amplification active. Rien n’a été laissé au hasard, jusque dans cette ouverture vers différents modes de mise en œuvre, preuve qu’on a pensé à l’audiophile passionné comme au mélomane pragmatique.
Enfin, le prix : 15 000 € la paire. Une somme conséquente, bien sûr, mais qui prend une autre saveur quand on se souvient qu’ici, tout est pensé, façonné et assemblé en France, dans un esprit d’artisanat musical.
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Haut-parleurs :
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Grave/médium : 25 cm à membrane papier, monté dans une enceinte antirésonnante composée de 17 couches de bois de densités différentes.
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Aigu : 1" à membrane phénolique, pavillon exponentiel en hêtre massif.
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Bande passante : 35 Hz – 20 kHz (±3 dB)
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Rendement : 93 dB
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Puissance admissible : 300 W
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Dimensions : 34 × 100 × 48 cm (L × H × P)
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Poids : 25 kg (unité)
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Connectique : borniers argent acceptant les fiches bananes, utilisables en :
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passif monocâblage
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passif bicâblage
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actif bi-amplification
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Prix indicatif : 15 000 € la paire
Conditions de test
Les écoutes ont été réalisées dans l’auditorium rouge, une pièce d’environ 25 m² pour un volume proche de 100 m³. Les enceintes étaient positionnées avec soin : écartées de 2 mètres, placées à environ 1 mètre des murs latéraux et 1,3 mètre du mur arrière. Le fauteuil d’écoute, installé à la pointe du triangle équilatéral, permettait une immersion optimale dans l’image stéréophonique. Fait notable, les Équilibre 10 étaient orientées presque parallèlement aux murs, un choix qui a permis de préserver une scène large et cohérente sans forcer l’effet de focalisation.
Pour alimenter ces enceintes, j’ai retenu des partenaires à la hauteur de leurs ambitions. En source, le streamer-DAC B.audio B.dac One EX, modèle alsacien réputé pour sa transparence et son naturel. En amplification, l’italien Angstrom Audiolab Zenith ZIA100, un intégré qui conjugue puissance maîtrisée et raffinement musical. Enfin, les liaisons étaient assurées par mes fidèles Albedo Silver Monolith Reference, câbles d’une neutralité exemplaire et d’une finesse remarquable. Une association équilibrée, capable de révéler sans tricher les qualités intrinsèques des Équilibre 10.
Les écoutes
En ce jour du 18 septembre de l'an 2025, la révolution avance, dit-on. J'ai écouté ce midi les radios, consulté ces chaînes d'information en continu qui déversent leurs nouvelles avec l'ardeur d'un torrent de montagne au printemps. Les manifestants révolutionnaires envahissent nos villes, nos communes, nos rues, proclame-t-on avec cette emphase particulière aux grands bouleversements. Un vieux monde s'écroule, nous assure-t-on, et il faut croire que nous assistons là à l'un de ces moments historiques dont les chroniqueurs futurs parleront avec des trémolos dans la voix.
Mais que voulez-vous, il me faut bien revenir dans mon salon. Car la réalité, cette chose têtue et prosaïque, est toute autre. Je vais me préparer un bon café - celui-ci provenant du sud de la péninsule indienne, pays où l'on sait encore cultiver l'art de faire pousser ce qui réveille l'âme - et sélectionner avec le soin d'un bibliothécaire les enregistrements que j'utiliserai pour la rédaction de ce test. Étrange époque que la nôtre, où pendant que le monde prétendument s'effondre, un homme peut tranquillement s'atteler à l'examen minutieux d'une paire d'enceintes.
Cela fait maintenant plusieurs jours que les Equilibre 10 d'EQaudio sont installées dans ce salon rouge - rouge comme les bannières révolutionnaires, coïncidence amusante - et je les analyse depuis tout ce temps avec la patience du naturaliste qui observe les mœurs d'une espèce nouvelle. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : comprendre comment ces objets, dans leur silencieuse élégance, transforment les vibrations de l'air en émotions, en souvenirs, en cette chose ineffable qu'on appelle l'expérience musicale.
Je vais vous partager mes réflexions sur ces compagnes acoustiques, en espérant que vous me pardonnerez cette digression sur l'état du monde. Dehors, le canon gronde - ou ne serait-ce qu'un éclair d'orage ? À vrai dire, dans le confort de ce salon bourgeois, il devient difficile de distinguer les bruits de l'Histoire de ceux, plus prosaïques, de la météorologie.
Premier enregistrement écouté : Das Klagende Lied de Gustav Mahler, dans l’interprétation de Bernard Haitink. Voilà une œuvre qui me hante depuis plus d’une semaine. Curieusement, mon oreille l’avait toujours laissée filer, glissant dessus comme on traverse un paysage sans s’y arrêter. Et puis, soudain, elle s’est imposée, avec la force de l’évidence. Une émotion, une subtilité, une grâce musicale qu’un génie précoce – Mahler n’avait pas trente ans – a su offrir à ses semblables.
La qualité de l’enregistrement est somptueuse, et les Équilibre 10 s’y révèlent d’une justesse rare. Pour une enceinte dans cette gamme de prix, le rendu est proche de la perfection : la dynamique, ample et parfaitement maîtrisée, donne vie à l’orchestre. Malgré le foisonnement de pupitres et la masse chorale, le message n’est jamais confus. L’image sonore s’ouvre avec profondeur, permettant de situer les plans successifs sans effort. Peut-être, si l’on pousse l’exigence jusqu’à l’obsession, pourrait-on souhaiter des timbres encore plus ciselés, un soupçon de subtilité supplémentaire. Mais ce serait presque chipoter, tant l’ensemble impressionne par sa cohérence et son évidence musicale.
Après Mahler, avançons de quelques décennies dans l’histoire de la musique avec Olivier Messiaen et son Quatuor pour la fin du Temps, dans l’interprétation de Raphaël Sévère et du Trio Messiaen pour le label Mirare. Peu d’œuvres portent une telle charge symbolique : composée en 1941 dans le camp de prisonniers de Görlitz, en Silésie, où Messiaen était interné par les nazis, elle fut créée dans des conditions misérables, avec les moyens du bord. Le compositeur, fervent croyant, y convoqua le texte de l’Apocalypse de saint Jean pour transcender l’horreur quotidienne et offrir aux prisonniers un instant d’éternité. Cette musique est une prière autant qu’une œuvre d’art, une méditation hors du temps, née au cœur du chaos.
Je n’ai pas cherché à disséquer la restitution des Équilibre 10, ni à couper les décibels en quatre. Ce qui m’a saisi ici, c’est le caractère profondément live de l’expérience. Dès les premières mesures, je me suis senti transporté dans la salle de concert, comme happé par la concentration des musiciens. L’espace sonore se déploie avec une crédibilité saisissante : clarinette, violon, violoncelle et piano respirent ensemble, s’écoutent, dialoguent, et les enceintes rendent palpable cette proximité, ce frémissement presque charnel qui naît dans le silence entre deux phrases.
Ce chef-d’œuvre du XXᵉ siècle, fruit d’une époque tragique, retrouve ainsi sa puissance de témoignage : une musique qui, à travers la matière sonore, affirme obstinément la présence de l’esprit. Et les Équilibre 10, par leur justesse et leur capacité à créer l’illusion du concert, savent en restituer la profondeur sans la trahir.
En cette fin d’après-midi, en quête de sérénité et de ce calme intérieur que seule la musique peut offrir, j’ai lancé le magnifique album Pro Pacem, fruit de la rencontre entre Jordi Savall et Montserrat Figueras. Dès les premières notes, le présent semble s’effacer : me voici transporté dans un autre monde, une autre époque, il y a longtemps, bien longtemps.
Le temps se met à couler différemment, comme ralenti. Les plages s’enchaînent avec une douceur qui désarme, et bientôt un sentiment de paix s’installe. Les Équilibre 10 servent admirablement ce climat : rien ne vient heurter l’oreille, aucune dureté, aucune brillance artificielle. La musique s’écoule comme une rivière paisible traversant la plaine champenoise, lente, souple, nourricière.
Dans ce répertoire fait de ferveur et d’intimisme, l’enceinte ne cherche pas à briller ni à imposer une présence spectaculaire. Elle se fait transparente, presque effacée, pour laisser toute sa place à la voix de Montserrat Figueras, d’une pureté fragile, et à l’instrumentation délicate de Jordi Savall. L’expérience n’est pas seulement esthétique : elle devient méditative, une respiration suspendue dans le tumulte du quotidien.
Conclusion
Les Équilibre 10 d’EQaudio ne sont pas des enceintes spectaculaires au sens où l’industrie l’entend. Elles ne cherchent pas à séduire par une brillance artificielle ni par des basses flatteuses. Leur démarche est plus exigeante, plus subtile : restituer la musique avec une vérité presque désarmante. Dans Mahler, elles savent préserver l’élan symphonique et la lisibilité des pupitres. Dans Messiaen, elles recréent l’espace et la tension spirituelle d’un quatuor né dans l’ombre des barbelés. Avec Jordi Savall et Montserrat Figueras, elles offrent une parenthèse de paix, où la musique se coule comme un souffle apaisé.
On pourra, si l’on veut pousser l’exigence jusqu’au bout, souhaiter des timbres encore plus ciselés, une ultime once de raffinement supplémentaire. Mais ce serait oublier l’essentiel : la cohérence, la profondeur, la véracité que ces enceintes artisanales apportent à chaque écoute. Elles sont à l’image de leur conception : robustes, sincères, construites pour durer et pour transmettre l’émotion sans tricher.
À 15 000 € la paire, elles s’adressent évidemment à un public averti, plus mélomane qu'audiophile, mais elles incarnent une voie singulière dans le paysage actuel : celle d’un artisanat français qui refuse la standardisation et qui place la musique, et rien d’autre, au centre de son projet.
Dans un monde où tout s’accélère, où l’information se déverse comme un torrent, il est rassurant de savoir qu’il existe encore des objets de patience, façonnés pour l’écoute attentive et le plaisir durable. Les Équilibre 10 ne sont pas des enceintes pour impressionner ses voisins : elles sont des compagnes pour ceux qui, le soir venu, veulent retrouver dans leurs murs la vérité simple et bouleversante de la musique vivante.
Les Notes :
Fabrication : 18/20
Image : 16/20
Timbres : 15/20
Dynamique : 18/20
Transparence : 18/20
Naturel : 18/20 Qualité/Prix : 18/20
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