samedi, 16 août 2025 10:22

Olivier Messiaen : Turangalîla-Symphonie (1949)

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Turangalîla-Symphonie

Turangalîla : quand l’amour devient cathédrale sonore

Oeuvres : Olivier Messiaen – Turangalîla-Symphonie
Artistes Principaux : Orchestre de l’Opéra Bastille – Myung-Whun Chung - Yvonne Loriod (piano) – Jeanne Loriod (ondes Martenot)
Format : CD - (Deutsche Grammophon – 1991)
Genre : Classique Symphonique
Note Technique : 8.5/10
Qobuz : https://open.qobuz.com/album/0002894317812

 

Je tiens en main une tasse de café Kenyan, corsé, fruité, idéal pour réveiller les sens. Et en revoyant ce disque, je me revois plus de trente ans en arrière, découvrant pour la première fois cette Turangalîla-Symphonie. Ce fut un choc, une révélation : la musique contemporaine pouvait être à la fois monumentale, mystique et… incroyablement accessible.

Olivier Messiaen compose cette fresque entre 1946 et 1948 : dix mouvements, un orchestre géant, un piano omniprésent et surtout, cette voix étrange, à la fois humaine et cosmique, des ondes Martenot. Messiaen l’avait voulu comme un « chant d’amour », terrestre et céleste, hindou et chrétien, tendre et démesuré. On est dans l’excès, mais un excès d’une beauté qui emporte tout.

La pochette résume l’esprit du projet : le vieux maître, Olivier Messiaen lui-même, chemise rouge et veste claire, échange un regard complice avec Myung-Whun Chung, jeune chef en pleine ascension. Aux côtés du maestro, les deux sœurs Loriod : Yvonne, épouse et pianiste dévouée, et Jeanne, prêtresse des ondes Martenot. C’est plus qu’un enregistrement : c’est presque un passage de flambeau.

 A7 2938Messiaen turangalilaPour ceux qui n’osent pas…

Si vous n’êtes pas familier de la musique classique, et encore moins de la musique contemporaine, ne fuyez pas ! La Turangalîla-Symphonie n’est pas un exercice cérébral réservé aux spécialistes. Elle parle directement aux sens : ses couleurs orchestrales, ses élans rythmiques, ses moments de douceur quasi cinématographiques savent toucher même l’oreille la moins « entraînée ».
On peut l’aborder comme une expérience sensorielle, un grand voyage sonore, sans chercher à tout comprendre.

Laissez-vous simplement porter par l’énergie, la tendresse, l’exubérance : vous pourriez bien découvrir que cette musique, réputée intimidante, est en réalité un immense terrain de jeu pour l’imagination.

Écoute

À la première écoute, il y a trente ans, j’avais eu l’impression d’entrer dans une forêt sonore inconnue. Aujourd’hui encore, le choc demeure. L’orchestre de l’Opéra Bastille explose littéralement dans l’espace, avec cette prise de son numérique DG du début des années 90 : grande stéréo, plans détaillés, parfois un peu froid, mais d’une clarté exemplaire.

Le piano d’Yvonne Loriod claque et pétille comme une pluie d’éclats lumineux. Les ondes Martenot de Jeanne flottent au-dessus de la masse orchestrale, aériennes, presque irréelles. Et Chung ? Il garde le cap, donne du souffle, sculpte l’architecture sans jamais sacrifier la démesure.

Et puis il y a ce cinquième mouvement, « Joie du sang des étoiles » : véritable feu d’artifice orchestral, irrésistible, presque dansant. On a beau se dire que c’est Messiaen, le grand mystique, on se surprend à battre la mesure du pied, tasse de café à la main.

Les critiques commises

- Le témoignage du compositeur lui-même reste un argument fort en faveur de cette version, soulignant son authenticité et son lien intime avec l’esprit de Messiaen.

- La critique spécialisée, même si nuancée, ne range pas cette version au rang d’option mineure : elle y entretient une fidélité historique valorisée, mais aussi un certain classicisme qui peut ne pas séduire ceux qui cherchent une lecture plus audacieuse ou spectaculaire.

- Le public averti la perçoit comme sincère, généreuse, et « aimable » — ce qui n’est pas rien, surtout pour qui craint la musique contemporaine. Ses réserves par rapport à certaines lectures plus nerveuses ou acérées (comme celles de Nagano ou Wit) témoignent surtout de préférences personnelles, pas d’une faiblesse artistique.

Autres Interprétations

Pour les amateurs de Turangalîla, le disque de Chung n’est pas seul en lice. Quelques jalons :

- Seiji Ozawa / Boston Symphony (RCA, 1967) : la première grande référence discographique, plus brute, moins policée, mais avec une énergie volcanique.

- André Previn / London Symphony (EMI, 1977) : plus « britannique » dans son équilibre, élégant, parfois un rien sage, mais toujours limpide.

- Esa-Pekka Salonen / Philharmonia (Sony, 2009) : version plus récente, incisive, très analytique, où l’orchestre londonien déploie une précision chirurgicale.

Face à ces lectures, l’enregistrement de Chung garde un statut unique : la présence des sœurs Loriod et la proximité avec Messiaen lui confèrent une légitimité et une chaleur que d’autres n’ont pas. On y sent à la fois la ferveur de l’interprétation et l’ombre bienveillante du compositeur.

Conclusion

Pour moi, cette Turangalîla reste un jalon : c’est avec elle que j’ai compris que la musique contemporaine pouvait être à la fois foisonnante et accueillante, exigeante et immédiate. Un disque qui, comme le café Kenyan du matin, vous secoue, vous éveille et vous laisse une énergie brûlante pour la journée.

- > Enregistrement de référence ? Oui. Expérience mystique ? Assurément. Mais surtout : un rappel qu’en musique, l’excès peut parfois être la plus belle des vertus.

 

 

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