"Spanish Serenades" : feu ibérique et cordes sensibles
Son tout nouvel album, "Spanish Serenades", récemment paru chez DG, nous plonge dans l’Espagne romantique du XIXe siècle. Au programme : Albéniz, Tárrega, Solés, joués sur des guitares historiques de l’époque, pour une immersion sonore aussi raffinée qu’authentique.
Feuillâtre est ici accompagné par le Verbier Festival Chamber Orchestra, sous la baguette élégante de Gábor Takács-Nagy. L’ensemble insuffle une poésie nerveuse et chatoyante à ce répertoire entre virtuosité et rêverie.
- Premier extrait à découvrir : "Recuerdos de Alhambre", entre méditation intime et soleil couchant.
Focus : Le Concerto d’Aranjuez, entre classicisme et frisson
Dans ce monument du répertoire espagnol, Raphaël Feuillâtre évite deux écueils : la démonstration gratuite et la mièvrerie affectée. Sa version du **Concerto d’Aranjuez** se distingue par :
- Une approche chambriste, plus intimiste que spectaculaire, où le dialogue avec l’orchestre devient une conversation feutrée plutôt qu’un duel.
- Un Adagio d’une rare pudeur, où la fameuse mélodie n’est jamais surlignée, mais simplement chantée, comme si elle venait d’être découverte à l’instant. Le souffle est retenu, la respiration ample, les silences éloquents.
- Un Allegro final vivant mais jamais tapageur, d’une précision rythmique impeccable, avec une clarté de trait qui évoque les grands clavecinistes baroques.
On sent chez Feuillâtre la volonté de rendre hommage sans caricature, de faire de cette œuvre ultra-rebattue un terrain de fraîcheur retrouvée. Pari réussi : on redécouvre Aranjuez comme un jardin sonore où chaque détail compte.
Pourquoi écouter "Spanish Serenades" ?
- Une guitare d’époque : pas de plastique, pas de bling, juste le bois et le souffle.
- Un orchestre de haut vol : subtil, complice, sans jamais voler la vedette.
- Une nouvelle facette de l’artiste : du baroque au romantisme espagnol, Feuillâtre prouve qu’il est un conteur au long cours.
Retour sur "Visages Baroques"
Son précédent opus, "Visages Baroques" (mars 2023), fut une révélation. Bach, Rameau, Duphly, Royer, Forqueray… transcrits pour guitare avec une intelligence rare. Le tout servi par une technique ciselée et un sens du phrasé qui frôle la télépathie.
Les critiques n’ont pas tari d’éloges : « programme exquis » (Classical-Music.com), « panache tout en nuance » (Presto Music), et une 2e place au classement Apple Music Classical en 2024.
La guitare classique ne s’était pas autant portée aussi bien depuis Narciso Yepes !
En concert à Champigny : un moment suspendu
Ce lundi 23 juin, dans la petite église de Champigny, j’ai eu le privilège d’assister à son récital, dans le cadre des Flâneries Musicales de Reims. Lieu idéal pour savourer les nuances d’une guitare classique : acoustique chaleureuse, atmosphère recueillie, lumière douce.
Quelques minutes avant la prestation, j’ai pu échanger brièvement avec l’artiste : discret, sympathique, d’une grande simplicité. Puis, une fois assis sur sa chaise, guitare en main… le silence s’installe, la magie opère.
Durant 75 minutes, Raphaël Feuillâtre a offert **un grand moment de musique**, alternant pièces célèbres et découvertes plus rares. Très beaux phrasés, son moelleux et précis, répertoire contrasté — le tout servi par une concentration paisible. À aucun moment l’ennui ne s’est invité : il rend la guitare classique passionnante.